LA CATHÉDRALE DE
CHARTRES
La cathédrale Notre-Dame de Chartres est le monument emblématique de la préfecture du département
d'Eure-et-Loir, située à quatre-vingts kilomètres au Sud-Ouest de Paris. Elle
est considérée comme la cathédrale gothique la plus représentative, la plus
complète ainsi que la mieux conservée de par ses sculptures, vitraux et dallage
pour la plupart d'origine, bien qu'elle soit construite avec les techniques de
l'architecture romane montrant ainsi la continuité et non la rupture entre ces
deux types d'architecture.
L'actuelle cathédrale, de style gothique dit « lancéolé
», a été construite au début du xiiie siècle, pour la majeure partie en trente
ans, sur les ruines d'une précédente cathédrale romane, détruite lors d'un
incendie en 1194. Grand lieu de pèlerinage, elle domine la ville de Chartres et
la plaine de la Beauce, se dévoilant au regard à plus de dix kilomètres de
distance.
L’édifice fait l’objet d’un classement au titre des
monuments historiques de par son recensement sur la liste de 1862. Par
ailleurs, il a été parmi les premiers monuments classés au patrimoine mondial
par l'UNESCO en 1979.
Histoire
Les édifices précédents
La tradition chrétienne évoque une ancienne grotte
occupée par des druides carnutes cent ans avant l'incarnation de Jésus-Christ
ainsi qu'une statue de déesse mère qui aurait servi de sanctuaire aux premiers
chrétiens, à l'époque romaine. Cette légende dite de « la Vierge devant
enfanter », la statue portant en effet l'inscription Virgini pariturae,
élaborée vers 1420 par Jean de Gerson et popularisée au xviie siècle par
l'avocat au Parlement de Paris Sébastien Roulliard, expliquerait l'ancienneté
du culte marial à Chartres. Ce mythe des druides qui s'est développé pendant
des siècles à partir de compilations, s'est progressivement incorporé dans
l'historiographie ecclésiastique locale qui en a donné toutes les apparences de
la vérité historique. Cette « Vierge devant enfanter » fut par la suite vénérée
dans la chapelle de Notre-Dame de Sous-Terre à l’intérieur de la crypte, sous
la forme d'une statue d'origine romane et qui fut à l'origine de nombreux
pèlerinages, attirant notamment Louis XIV, saint Vincent de Paul ou François de
Sales.
Le lieu le plus ancien de la cathédrale est le puits de
la crypte, dit puits des Saints Forts, autrefois « Lieux Forts », qui fut comblé
et dont l’emplacement caché au milieu du xviie siècle fut retrouvé, dégagé et
restauré au début du XXe siècle par René Merlet. Réputé pour être d'époque
celtique, ce puits votif, était l’objet d’offrandes et était alimenté par une
source circulant sous la cathédrale. Les sanctuaires chrétiens étant parfois
construits sur de précédents lieux de culte païens, il est associé à de
nombreuses légendes liées à la grotte druidique. Sa profondeur, à partir du sol
de la crypte dite caveau de Saint-Lubin, est d'environ 33,55 mètres. Le fond
est un carré, orienté aux quatre points cardinaux. René Merlet précise que « le
puits passe de la forme circulaire à la forme carrée, mais ce carré est
exactement inscrit dans le cercle. Vers le fond, par suite d'un ressaut de 0,10
m dans les parois, le puits ne mesure plus qu'un mètre en tous sens. »
La construction de la première cathédrale eut lieu vers
350. Elle est appelée « cathédrale d'Aventin », du nom du premier évêque de la
ville. Elle fut vraisemblablement édifiée au pied des murs gallo-romains qui
entouraient la ville. Cette première cathédrale fut incendiée en 743 ou 753 par
les troupes de Wisigoths du duc d'Aquitaine et de Vasconie Hunald Ier, lors du
sac de la ville. Un deuxième sanctuaire fut alors construit, son plan conservé
montrant un doublement de la largeur de la nef. Le 12 juin 858, cette deuxième
cathédrale fut détruite par les pirates Vikings danois. L'évêque Gislebert
reconstruisit un édifice plus grand. De ce dernier, il subsiste probablement
certaines parties de l'actuel martyrium, appelé chapelle Saint-Lubin.
En 876, le roi Charles le Chauve, petit-fils de
Charlemagne fit don à la cathédrale de la sainte relique connue sous le nom de
« Voile de La Vierge » ou « Sainte Tunique ». Cet événement devait faire de
Chartres un sanctuaire de premier plan. Le 5 août 962 cette troisième
cathédrale fut à son tour incendiée pendant la guerre qui opposa Richard Ier,
duc de Normandie, au comte de Chartres, Thibault le Tricheur. Ce désastre eut
lieu sous l'épiscopat d'Hardouin qui en mourut de douleur huit jours après
selon le nécrologe de la cathédrale. Un quatrième édifice lui succéda. Les 7 et
8 septembre 1020, cet édifice fut à son tour accidentellement ravagé par le feu
à cause de la foudre. L'évêque Fulbert releva l'église de ses ruines, en style
roman. L'église basse, telle que nous la connaissons actuellement fut
construite entre 1020 et 1024. La dédicace de cette cinquième cathédrale eut
lieu le 17 octobre 1037. L'évêque Fulbert était décédé en 1029.
(Le parcours du pénitent, Le Labyrinthe)
Construction de la cathédrale actuelle
Le 5 septembre 1134, la ville de Chartres fut presque
entièrement détruite par un incendie. La cathédrale romane de Fulbert fut
épargnée. De 1134 à 1160, profitant de l'espace libéré en avant de la nef, la
façade occidentale fut construite. Puis les travaux de la tour Nord débutèrent
en 1142 et s’achevèrent vers 1150, donnant lieu à l'édification du portail
royal avec son ensemble sculpté. L’érection de la tour Sud, appelée
actuellement « clocher vieux », commença en 1145. La construction s'acheva avec
celle de sa flèche vers 1160. La tour Nord, appelée « clocher neuf », ne
comportait à l'origine que deux niveaux. Elle fut couverte en charpente et
plomb jusqu'en 1506, date à laquelle un incendie provoqué par un orage la détruisit.
Jehan de Beauce élabora le clocher actuel en se servant des vestiges et en
élevant la flèche octogonale à 115 m de haut.
Le 11 juin 1194 eut lieu un nouvel incendie qui n'épargna
que les cryptes, la façade occidentale et les tours. Le Voile de la Vierge
avait été providentiellement mis à l'abri dans le martyrium dit « chapelle de
Saint Lubin » par des clercs. Après deux ou trois jours de déblayage, les
sauveteurs et la relique furent retrouvés. En réchappèrent plusieurs parties
nouvellement construites aussitôt réutilisées dans le nouveau projet. Les deux
tours furent épargnées et ne subirent que des dégats mineurs. Le portail
occidental fut conservé ainsi que les trois baies de vitraux le surplombant. Un
autre vitrail, « Notre-Dame de la belle verrière », fut aussi sauvé de
l'incendie avant d'être remonté dans le déambulatoire.
La réédification de la cathédrale, sous la forme que nous
connaissons aujourd’hui, débuta immédiatement. Certains architectes sont de nos
jours connus, mais il faut prendre en compte une succession de maîtres d’œuvre
venus d'autres chantiers contemporains. Toutefois force est de constater
l'extrême rapidité du chantier et ce sans rupture de financement. Dès les
années 1220-1225, les chanoines s'installent dans leurs stalles, les voûtes
étant terminées. Il faudra par contre plusieurs décennies pour compléter les
pignons du transept, tout le gros œuvre, hormis les porches et les pignons,
étant achevé en une trentaine d'années (1194-1225). En 1240, les vitraux
étaient déjà réalisés et la consécration solennelle eut lieu le 24 octobre 1260.
La cathédrale a été construite par des ouvriers
spécialisés, appelés compagnons, réunis en confréries ou fraternités. Ces
derniers, payés à la tâche, ont parfois laissé sur les pierres quelques signes
gravés, les marques de tâcheron qui sont leurs signatures.
Le sacre d'Henri IV
Henri IV fut le seul roi de France sacré dans cette
cathédrale et non pas à Reims, comme le voulait la coutume. Reims et Paris
étaient en effet tenus par l'armée de la Ligue catholique, qui opposaient leur
résistance au roi à cause de sa religion protestante. Il annonce sa conversion
lors des conférences de Suresnes en mai 1593, abjure la foi protestante et se
convertit dans l'abbatiale de Saint-Denis le 25 juillet 1593. Arrivé le 17
février à Chartres où il passe ses journées en prières et en recueillement, il
se fait sacrer roi de France dans la cathédrale de Chartres le 27 février 1594
: après s'être vêtu d'une chemise blanche, ouverte devant et derrière pour
permettre l'onction, et d'une cape en satin cramoisi, il entre solennellement
dans la cathédrale, non pas selon la légende sur son cheval, mais à pied.
La cérémonie se déroule dans le chœur, le peuple ne
pouvant la voir à cause du jubé. Invité à prononcer les serments solennels,
l'un à l'Église l'autre au peuple, il subit les rituels de l'adoubement avec
les éperons et l'épée, puis celui de l'onction avec la Sainte Ampoule. Celle de
la cathédrale de Reims nécessaire au sacre, étant non accessible, elle fut
substituée par l'ampoule de l'Abbaye de Marmoutier, près de Tours. Les évêques
le revêtent de la tunique représentant le sous-diacre, de la dalmatique
représentant le diacre, puis l'officiant lui remet les regalia. À la fin de ce
rituel, le roi et l'évêque s'installent sur le jubé afin que le prélat célèbre
la messe et que le peuple puisse y participer. Après la messe du sacre, un
cortège se dirige vers l'évêché, sous les « Vive le Roi » de la foule, pour un
immense banquet.
Le classement comme Patrimoine mondial
La cathédrale de Chartres a été classée en 1979 comme
Patrimoine mondial par l'UNESCO aux trois motifs suivants :
Représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain «
Construite assez rapidement et presque d’un seul jet, la cathédrale de Chartres
constitue, par l’unité de son architecture et de sa décoration, l’expression
totale et achevée d’un des aspects les plus unanimes du Moyen Âge chrétien ».
Témoigner d’un échange d’influences considérable… « La
cathédrale de Chartres a exercé une influence considérable sur le développement
de l’art gothique en France et hors de France ».
Offrir un exemple éminent d’un type de construction… « La
cathédrale de Chartres est à la fois un symbole et un édifice type : l’exemple
le plus éclairant que l’on puisse choisir pour élucider la réalité culturelle,
sociale et esthétique de la cathédrale gothique ».